Nuit agitée

Ce soir là, seule dans son grand lit moelleux, Francine eut du mal à trouver le sommeil : il la fuyait.

Après le dernier essayage, l'après-midi s'était passé tranquillement, comme les autres jours. Derniers entretiens avec le prêtre qui officierait, rapide entrevue avec son futur époux qui avait plus la tête à organiser une nouvelle guerre qu'à discuter avec sa promise, petit balade agréables dans les jardins, longues discussions avec tout un tas de nobles venu pour son mariage, amis ou non.

Elle était épuisée quand elle s'était couchée. Néanmoins, maintenant qu'elle était au calme, seule, dans sa chambre, elle n'arrivait pas à trouver le sommeil. Son cerveau était en ébullition, et son coeur battait à la chamade. Elle était morte de peur.

Ces derniers jours, l'essayage de sa robe l'avait fait oublié pour un temps l'importance du jour de demain, et ses conséquences. Mains maintenant qu'elle était à quelques heures du moment fatidique, toutes ses craintes, tous ses doutes lui revenaient en mémoire et l'assaillaient de toute part.

Ferait-elle une bonne reine? Supporterait-elle la pression sur ses épaules? Deviendrait-elle une bonne épouse? Arriverait-elle à aimer son mari? Aurait-elle la force de porter son enfant, et de lui donner un héritier digne de ce nom?

Elle ferma les yeux, inspira doucement. Sans le vouloir, le visage de James lui apparut. Il lui manquait. Heureusement, elle le verrait certainement demain. Peut-être même pourraient-ils discuter quelques minutes en privé, comme deux vieux amis.

Doucement, sans s'en rendre compte, elle bascula dans le monde des rêves.

Francine se trouvait dans une pièce sombre, mal éclairée, et pleine de poussière. De la terre filtrait du plafond, comme si la pièce était sous la terre.
Le sol, en pierre brute, était recouvert de tapis moisis, aux couleurs depuis longtemps fannées, et où appairaissent de nombreux trous.

Dans la pièce se tenait tout un tas d'objet plus étranges les uns que les autres : miroirs qui réfléchissaient des images bizarres, coupes bicornues contenants des liquides peu ragoûtant, meubles anciens aux formes et aux utilités indistinctes, tableaux peignant des scènes malsaines dans des couleurs macabres.

Ce qui attira son attention ce fut une urne étrange, portant une inscription éffacée par les ans. Elle semblait irradier d'un immense pouvoir.

Francine s'approcha de cette urne, prenant garde où elle mettait les pieds. Elle tendit les mains, désireuse de toucher cette urne qui miroitait doucement, comme éclairée par elle ne savait quelle source de lumière.

A l'instant même où elle posa ses mains autour d'elle, elle fut happée à l'intérieur du récipient, et se retrouva... en haut d'une montagne, sur une corniche.

Il faisait très froid, mais, étrangement, Francine ne ressentait pas le froid mordant. Elle admira le paysage qui s'étendait en-dessous d'elle, ou plutôt, essaye d'en distinguer ses contours. Une brume blanche recouvrait en effet le paysage en contre-bas. Elle ne savait pas à quelle hauteur elle se trouvait, mais au vue de la portée de son regard, elle devait se trouver très haut, peut-être sur le sommet le plus haut du Royaume...

*Si je suis encore dans le Royaume*

Elle entendit derrière un bruit sourd, un bruit de râclement de pierre. Elle se retourna, et découvrit avec stupeur une ouverture dans la roche, ouverture absente à son arrivée. Une torche était posée juste à l'entrer, comme pour l'inciter à pénétrer dans les ténébres.

Curieuse, elle s'avança, sortit la torche de son suport, et d'avança dans la cavité. Elle arriva très vite dans une espèce de grotte, tout entière remplie de coffres aux formes et aux couleurs variés. Une sensation oppressante, la prit à la gorge, et elle voulut s'enfuir. Malheureusement, le tunnel par lequel elle venait d'arriver avait disparu. Elle était prise au piège.

Elle se mit à hurler, et à marteler la roche de ses mains fragiles, se les écorchant rapidement. Elle hurla à n'en plus avoir de voix. Alors, de desespoir, elle s'assit par-terre, laissant la torche choir à ses côtés. Malheureusement, le bois des coffres était très sec, près à s'enflammer. En un instant, la grotte s'illumina, et les flammes commencèrent à danser.

C'est la chaleur qui tira Francine de sa rêverie. En apercevant les flammes, elle se remit à hurler de plus belle. Elle allait mourir, seule, brûlée vive. Elle sentit bientôt les flammes lui léchaient le bout de ses bottes...

Francine se réveilla en sursaut, couverte de sueur, le souffle court, comme si elle venait de courir à toute allure pendant des heures.
Elle mit du temps avant de réaliser qu'elle venait simplement de faire un mauvais rêve, un cauchemard, et qu'elle était à présent en sécurité dans le palais.

Tremblante, elle se leva et esquissa quelques pas vers la fenêtre. Elle tira les lourds rideaux, et se calma en admirant la nuit, au dehors. Le soleil n'était pas encore prêt à se lever, mais elle n'avait plus sommeil. Elle approcha donc un fauteuil près de la fenêtre, et s'assied en soupirant. Son rêve s'effilochait, et il ne devenait qu'un mauvais souvenir, sans consistance.

Admirant la ville qui s'étendait au pied du palais, doucement éclairée par les lunes de Midkemia, elle se rendormit finalement, le coeur léger.