Espionnage

On était en milieu de matinée. Patrick, pour une fois, s'était levé de bonne heure, excité par l'importance de la journée. Le premier pas vers son couronnement n'était plus qu'à quelques heures. Mais, ce n'était pas tant ça qui le rendait impatient, non. C'était bel et bien la perspective du mariage. Car, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, lui était fol amoureux de Francine.

Il ne pouvait pas l'expliquer, et surtout, ne le voulait pas, de peur que ce sentiment s'en aille, et le laisse indifférent à l'égard de sa future épouse. Une petite voix dans sa tête lui répétait constamment que c'était dû à son âge, et que, dans quelques années, il ne poserait effectivement qu'un regard indifférent sur sa belle épouse. Mais pour le moment, il ne l'écoutait pas, et essayer de se persuader que ses sentiments étaient réciproques. Ce dont il n'était pas certain du tout.

La cérémonie devait débuter quatre heures après la mi-journée. D'habitude, on célébrait les mariages le matin, mais Patrick avait préféré épargner à chacun de se lever de bonne... ce que lui, il avait fait sans remords.

Debout dès l'aube, il avait tué le temps comme il le pouvait, lisant encore et encore le petit discours qu'il devrait lire, admirant encore une fois la tenue qu'il porterait, jetant un énième coup d'oeil aux rapports qui venait de Hautetour. Fort heureusement, la situation s'était stabilisée, et le mariage pourrait se dérouler sans la crainte d'une mauvaise surprise au coeur de la cérémonie.

N'y tenant plus, il s'était finalement décidé à descendre dans l'immense salle du trône du palais, afin de surveiller discrètement les préparatifs. Il tenait à ce que tout soit parfait. Il devait être parfait ! Il était bientôt roi, et un roi se devait d'être la perfection même, devant ses sujets.

Caché derrière les lourdes tentures au fond de la salle, il regardait avec plaisir le personnel du palais s'efforcer à tout mettre en oeuvre le plus rapidement possible.

Il savait comment se déroulerait le mariage (première cérémonie dans le palais, deuxième dans le temps d'il ne savait plus quel Dieu, et enfin, retour au palais pour le banquet du soir.) Et, pendant que tout le monde serait au temple pour la cérémonie religieuse, les domestiques devraient enlever toutes les chaises, et placer les lourdes tables du banquet.

En les voyant aligner toutes ses chaises dans la salle, il se demandait avec angoisse comment ils auraient le temps de tout enlever. Car, cela aussi était une nouveauté. D'habitude, les convives restaient debout, pendant la cérémonie au palais. Mais cette fois, il avait fait en sorte que tout le monde, ou plutôt le plus de monde possible, soit assis. La guerre était encore marquée dans les esprits et les corps, et il préférait ménager ses invités.

Et puis, surtout, il voulait se faire apprécier de ses vassaux. Il devait gagner leur confiance, leur prouver qu'il serait un bon roi, un roi proche de ses gens. Et tout avait commencé avec sa demande en mariage à la fille d'un duc peu influent. Il devait se rapprocher de ses vassaux, à n'importe quel prix.

Il resta quelques dizaines de minutes à regarder l'agitation dans la salle puis, il se décida à remonter dans ses appartements et à manger quelque chose. La journée serait longue avant le banquet de ce soir...