Drôle de rencontre

Finalement, Kaley avait trouvé l’auberge indiquée par l’humain. Il resta plusieurs minutes debout devant la porte se demandant s’il devait entrer ou pas. D’un côté, c’était un lieu rempli des Hommes qu’il exécrait mais d’un autre, il ne pouvait décemment pas passer la nuit dehors sous peine d’attirer l’attention. Hors, c’est précisément ce qu’il ne voulait pas ! Il fit un pas en direction de la porte, tendit la main vers la poignée puis au dernier moment, se ravisa. Il serait sûrement rester là encore un bon bout de temps si un bruit étrange ne s’était pas fait retentir dans une ruelle voisine. Craignant de faire une mauvaise rencontre, Kaley finit tout de même par pousser la porte de l’auberge.

Instantanément, il fut assaillit par mille et une impressions. Certaines agréables, d’autres pas ! Tout d’abord, un brouhaha feutré arriva jusqu’à ses oreilles. Le bruit des conversations des clients qui étaient en train de boire un verre ou de déguster un bon repas. Ensuite, la lumière. Il dut plisser les yeux un instant avant de s’habituer à la clarté ambiante. Il faut dire qu’à l’extérieur, la nuit était tombée ! Et pour finir, une odeur de nourriture vint flirter avec ses narines lui rappelant au passage qu’il avait grand faim.

Silencieusement, il se dirigea vers le comptoir, la capuche de sa cape toujours visée sur la tête. Il n’avait pas conscience que son accoutrement paraissait des plus suspect. Lui, tout ce qu’il voulait, c’était un lit et une chambre où passer la nuit en relative sécurité. Il esquiva au passage un ivrogne qui s’était écroulé sur le sol et se trouva enfin face à l’aubergiste. Il allait d’ailleurs lui demander s’il avait une chambre de libre lorsqu’une main se posa sur son épaule. Surpris, l’elfe se retourna et tomba nez à nez avec…..

Lans était de bien forte méchante humeur. La journée avait été exécrable et, comble de malchance, le voleur n'avait même pas pu être jugé le jour même. Bref, les louanges étaient pour un autre jour.

Fatigué, et désireux de passer la soirée à oublier sa mauvaise journée, il s'était rendu, une fois son travail terminé, à l'auberge d'un ami. Là-bas, il savait qu'il pourrait, en plus d'être chez un ami, trouver de la bonne bière... voir des alcools beaucoup plus forts s'il s'en sentait le courage, et tout cela pour pas très cher : cela servait parfois d'être garde et ami du patron.

Lans entra dans l'auberge qui était bondée. Essayant de repérer quelques visages familiers parmis la foule qui se massait au comptoir ou était affalée sur des chaises près des tables où s'entassaient chopes vides et pleines. Finalement, il se résolut à passer la soirée seul : il n'avais reconnu personne qui méritait qu'on ne s'intéresse à lui. Lans connaissait plein de monde, mais n'en appréciait pas beaucoup... Et c'était réciproque.

Alors qu'il jouait des coudes pour s'approcher du comptoir et obtenir une place, il cru reconnaître quelqu'un, encapuchonné. Cela le fit bien rire : pouquoi donc ce sacré Jang se cacherait-il? Les putains s'étaient-elles mise à réclamer toutes ses dettes?

L'apostrophant, il réussi finalement à s'approcher près de lui pour lui poser une main sur l'épaule.

"Alors mon vieux, de quoi on a peur pour se cacher ainsi? Ou de qui devrais-je plutôt dire?"
S'esclaffant bruyamment, son rire mourut dans sa gorge lorsque son prétendu ami se retourna vers lui. Deux yeux teintés d'or se fixèrent sur lui, plein de surprise. Un peu tard, il comprit sa gaffe et retira sa main.

"Je... je.. désolé m'sieur, j'vous avez pris pour quelqu'un d'autre !" essaya-t-il de bredouiller.

Kaley lança à l’inconnu un regard mi-surpris, mi-outré. Il n’en revenait pas qu’on ait pu le confondre avec un autre. Un humain en plus ! Il se mit alors à détailler l’homme avec davantage d’insistance. A ses vêtements, il devina aisément que ce dernier devait être soldat ou quelque chose approchant. Et dire qu’il ne voulait pas d’ennuis. Voilà qui s’annonçait plutôt mal ! Il s’apprêtait à remettre le malotru à sa place lorsqu’il lui vint une idée. L’homme de la ruelle ne semblait pas pouvoir l’aider mais peut-être qu’un soldat serait plus à même de l’aiguiller dans sa quête. Après tout, il devait sûrement être au courant de tout ce qui se passe dans les alentours.

Kaley se tourna alors vers l’homme. Il n’avait toujours pas baissé sa capuche et ne comptait pas le faire d’ailleurs. Il s’inclina légèrement en direction du garde, le saisit d’une main par le col de sa chemise et approcha ses lèvres de l’oreille de son interlocuteur.

« Je cherche des assassins doublés de voleurs. Aurais-tu quelques nouvelles par le plus grand des hasards ? »

C’est alors que l’aubergiste vint vers eux et leur demanda ce qu’ils désiraient. Sans lâcher Lans ; l’elfe adressa un regard neutre au tavernier et répondit le plus simplement du monde.

« Un lit pour la nuit, un peu d’eau et des fruits. Le tout servi dans la chambre si possible ! »

L’homme grommela quelques mots qui semblaient vouloir dire que c’était faisable et pria Kaley de patienter un peu le temps qu’on lui prépare les lieux. Ceci étant réglé, l’elfe retourna à ses moutons.

« Alors ? Tu as perdu ta langue d’un seul coup ? »

Lans déglutit péniblement. Il s'était vraiment trompé de personne et aurais donné cher pour se retrouver à l'autre bout de la ville en ce moment. Pourquoi avait-il fallu qu'il vienne faire le malin?

Il avait eu peur lorsque l'homme l'avait aggripé par le col de sa chemise, mais lorsqu'il s'était aperçu qu'il voulait simplement lui parler, Lans s'était détendu... légèrement. Tremblant comme une feuille, il l'avait entendu formuler sa requête puis, comme s'il lui avait demandé si tout allait bien, se retourner pour répondre à l'aubergiste.

Alors qu'il s'était de nouveau tourné vers lui, Lans avait à cet instant compris que l'homme ne lui ferait aucun mal... s'il se comportait comme il le fallait. Réfléchissant à toute allure à ce qu'il pouvait bien dire, il se résolut à dire la vérité :

"Les assasins et les voleurs pullulent en ville, et comme je ne peux malehreuseument pas savoir lesquels vous intéresse, je pense qu'il serait mieux que vous veniez me trouver demain à la caserne du palais. On... Je pourrais certainement vous aider plus dans ces conditions que maintenant, entouré par tout ce monde."

Cherchant les yeux de l'homme, il essaya d'arrêter de trembler. Peine perdu, l'homme lui foutait les choquottes.

Tandis que l’humain lui exposait la situation, les yeux de Kaley se rétrécirent de contrariété. Si ce qu’il disait était vrai, il n’était pas au bout de ses peines. Mais qu’importe, il finirait bien par les retrouver, les scélérats qui avaient osé ruiner sa vie !

« Soit ! Je passerai à la caserne ! »

Il poussa un petit soupir résigné et repoussa sèchement Lans. Celui-ci fit quelques pas en arrière pour ne pas tomber. Ce détail agaça Kaley qui trouvait que les hommes manquaient vraiment d’équilibre et de grâce! A cet instant, l’aubergiste revint et déposa en face de l’elfe une clé en marmonnant : « 1er étage, troisième porte à gauche ! Ça vous fera trois pièces d’or ! ». Kaley déposa la somme demandée sur le comptoir, empocha la clé et se leva. Lentement, il se dirigea vers l’escalier au fond de la salle et murmura au passage à Lans :

« J’espère pour toi que tu ne me fais pas déplacer pour rien car je déteste perdre mon temps ! »

Et il quitta la pièce pour aller se reposer.

Lans soupira un grand coup lorsque l'homme le lâcha... ou plutôt le repoussa sans ménagement. Malgré sa petite carrure apparente, il avait l'air d'avoir pas mal de force dans les bras... ce qui fit grimacer furtivement le soldat, alors qu'il essayait de rétablir son équilibre.

Fort heureusement, l'homme l'avait cru (pour une fois qu'il ne mentait pas !) et il s'en tirait à très bon compte... plus qu'il n'aurait espéré. Le voyant disparaître de la pièce, Lans en profita pour déguerpir à son tour et retourner "chez lui". En effet il résidait à la caserne la plupart du temps, lorsqu'une aimable prostituée ne lui offrait pas sa couche... ou plutôt, la lui vendait.

Résigné, la tête basse et vide de toute envie de picoler un petit coup, il retourna à grands pas à la caserne : le lendemain serait certainement une journée plutôt pénible, et il voulait mettre toutes ses chances de son côté.

Pour la première fois depuis son enfance, Lans allait se coucher tôt... et cela ne semblait pas le déranger outre mesure.