Petit tour...

C'est avec un soupir de soulagement qu'Igie accueillit le calme et les senteurs des jardins royaux. Un petit sourire mélancolique se dessina à la commissure de ses lèvres. Elle se souvenait de sa découverte et de son extase devant les merveilleux jardins de Krondor alors qu'elle était petite. Ceux de Rillanon les rendaient, ternes, insipides, à la limite de la vulgarité.
Igie vérifia que personne ne pouvait l'apercevoir puis, non sans une certaine grâce, elle dégagea ses pieds des ses fins escarpins. Elle s'auto congratula mentalement d'avoir eu la judicieuse idée de porter une robe simple, sans traîne. Les escarpins dans la main droite, la main gauche pour tirer la robe vers le haut, Igie quitta le chemin pavé et se faufila pieds nus, entre deux buissons fleuris. Maintenant hors de vue, elle ne lui restait plus qu'à espérer ne pas croiser le maître jardinier. Elle savoura l'herbe humide qui lui caressait la pante des pieds autant que le calme et les senteurs des plantes et arbres. Pour arriver jusqu'à son petit sanctuaire, Igie devait traverser une petite mare en sautant successivement sur deux petits rochers.
Elle saute une première fois sans encombre avec un sourire satisfait. Elle saute sur le deuxième caillou mais alors qu'elle donnait l'impulsion pour rejoindre la berge, un de ses pieds glissa. Elle poussa un grognement; fort peu féminin, de surprise. Igie réussit toute fois à atteindre la rive mais de justesse et de manière déséquilibrée. Elle battait des bras pour ne pas basculer en arrière. La jeune femme réussit à se rétablir et s'aperçut qu'elle avait lors de sa lutte avec la gravité, laissé tomber ses escarpins dans l'eau. Elle grimaça devant sa maladresse. La courtisane scruta l'eau à la recherche de son bien lorsqu'une voix, grave, assurée et autoritaire lui vint aux oreilles:

- Qui va là ?

Paniquée, Igie tourna la tête pour savoir d'où venait la voix et pour trouver une solution. Elle aperçut un chat, paresseusement allongé au soleil. Tout en remerciant Ruthia de cette aubaine, Igie s'approcha du Chat, sans lui laisser la moindre chance, elle le saisit et le lança dans la direction approximative d'où venait la voix.
Elle s'en retourna, ensuite vers la mare pour continuer sa prospection. Heureusement pour Igie, l'eau n'était pas profonde. Elle put donc, sans grande difficulté, repérer ses escarpins. Trop loin pour ses petits bras, elle prit une branche de bois mort et entreprit de rapprocher sa prise: l'escarpin du pied droit.

Le premier escarpin sêchait sur l'herbe. Le deuxième se montrait plus tenace et rebel. Par deux fois, il avait échappé à la pêche d'Igie. Elle entendait quelqu'un s'approcher. Elle devait réussir. Elle s'approcha un peu plus du bord et entrepris de faire rouler, dans un premier temps, dans la vase l'escarpin de manière à le raprocher. Elle entrepris ensuite, toujours à l'aide de la branche, de le récupérer. La jeune femme réussit à accrocher l'escarpin et à le soulever hors de l'eau lorsque:

- Eh ! Oh ! Que faites-vous là !?

Elle sursautta et l'esacrpin retomba à l'eau accompagné d'un plouf sonore. Igie se retourna pour faire face à l'envahisseur. Sans même s'en rendre compte, elle brandissait la branche telle une arme.

*Non mais, il va voir de quel bois je me chauffe *

Elle dévisagea l'espace de 3 secondes l'homme qui lui faisait face avant de le reconnaitre. Igie lachâ immédiatement le ridicule bout de bois et exécuta une révérence très basse pour ensuite se redresser les yeux rivés sur ses pieds nus. Le prince !!! Pourquoi ????

Lorsqu'il put enfin distinguer plus nettement le visage de la jeune femme, il fut surpris et étonné de la voir ici. Si ses souvenirs étaient bons, il l'avait déjà vue en compagnie de Francine, sa femme, à l'interieur du chateau, lors d'un banquet ou autre. Le Roi des Isles fixa la jeune femme quelques secondes, avant d'éclater d'un rire court et sincère. Il dit d'un ton amusé :

- Bien le bonjour Mademoiselle ! Vous êtes amie de Francine ? Je crois vous avoir vu l'autre jour, je me trompe ?

Oui sans doute. Après avoir analysé la situation pour mieux comprendre, il vit que la jeune femme était pieds nus, et un de ses escarpins gisait au fond de l'eau, à coté d'elle. Que c'était-il passé ?

La courtisane lui fit une révérence, il sourit et se présenta même si elle l'avait visiblement reconnue.

- Patrick. Roi des Isles.

Souriant encore, il attendit que la jeune demoiselle ose lui répondre.

- Bien le bonjour Mademoiselle ! Vous êtes amie de Francine ? Je crois vous avoir vu l'autre jour, je me trompe ?

Igie continua son exploration visuelle de ses orteils.

- Patrick. Roi des Isles.

*Ah bon t'es pas le maitre jardinier...*

Comme seule réponse, elle hocha la tête faussement timide. Elle refit une révérence aussi basse que parfaite et protocolaire. Son regard ne se releva toujours pas. Comprenant qu'on attendait d'elle une parole, elle prononça simplement sur un ton entre l'interrogation et la constation:

- Votre majesté ?.

Alors que Patrick entreprit de mettre les pieds dans l'eau afin d'en extraire l'escarpin rebelle, Igie songea un instant soit à fuir soit à pousser franchement le roi pour qu'il s'effondre dans la mare. La jeune femme sourit un bref instant à cette pensé avant de reprendre son masque protocolaire.

- Tenez donc.

Igie prit délicatement l'escarpin encore dégoulinant d'eau et recouvert par un peu de vase verdâtre. Après une nouvelle révérence, elle leva légèrement les yeux mais pas encore assez pour croiser le regard de l'homme.

- Votre Majesté est attentioné.

La situation était embarassante. Etre seule, isolé par les bosquets du reste du jardin, avec l'homme le plus puissant du royaume voilà une situation qui ne manquerait pas de faire jaser si elle était découverte. La situation était aussi dangereuse. La jeune femme devait s'échapper rapidement.

- Me voilà condamné à marcher pieds nus. Douce punition pour avoir troublé votre parcours dans vos jardins votre Majesté.

Tout en prononçant ces mots Igie fit quelques pas digne d'une dance pour commencer à s'éloigner. Elle devait vite retourner sur les chemins et si possible sans que personne ne la surprenne.

Ce fut d'un pas guilleret que Ned emprunta les escaliers menant vers les jardins royaux. A cette heure-ci personne ne s'y trouverait, il pourrait donc se promener librement. Ayant aujourd'hui bien travaillé, il fut congédié de bonheur, il avait tout l'après-midi à lui seul. Si ce n'était pas fantastique ça !?

Mais quelle ne fut pas sa déception lorsque une fois sur place, il écouta des voix. Deux adultes. Ils discutaient. De nature curieuse, il se faufila entre les arbustes, et découvrit non sans surprise son Roi, avec une jeune femme. Ah mais cette femme... ne l'avait-il pas déjà vu dans le château ? Oui sûrement !

Bien que timide, Ned s'élança en avant, et se stoppa juste en face du Roi. Il lui fit une révérence, et sourit, les joues rouges et un petit regard complice.

- B'soir Sa Majesté !

Igie commençait à reprendre confiance, son sourire se fit même moins formel lorsque le très jeune page déboula. La jeune femme ne montra aucun signe extérieur de sa gêne mélangé à son soulagement. Ce qui devait arriver arriva, elle était surprise dans les jardins, pieds nus, isolée avec le roi. La seule note positive fut que ce fut Ned qui les surprit. Cela n’empêcha pas Igie, de plonger ses yeux noirs dans ceux bleus du page pour lui signifier tout le bien qu’elle pensait de cette intrusion.

*Toi tu vas souffrir petit*

Sachant reconnaître une opportunité de sortie lorsqu’elle se présentait à elle, Igie se mordit légèrement la lèvre pour paraître aux yeux du roi encore plus gêné, baissa à nouveaux les yeux jusqu’à observer ses orteils, puis exécuta une nouvelle révérence :

Sa majesté veut il que je me retire pour entendre le message de son page ?

Une révérence plus tard, Igie s'empressa de disparaitre en maudissant sa malchance et en se jurant de tourmenter d'une manière ou d'une autre le jeune page. Une fois à bonne distance de la petite troué dans les bosquets, Igie soupira de soulagement et prit le temps de remettre un peu d'ordre dans sa tenue.

Cette experience ne faisait que renforcer son sentiment: elle n'avait pas sa place à Rillanon. Ou du moins elle ne l'avait pas encore. Igie devait d'abord gagner en influence et pour cela, il n'y avait guère de choix.
Elle ne pouvait pas faire appelle à ses liens tissés lors de sa jeunesse à Krondor, la court de l'Ouest avait été ravagée puis réorganisée depuis la fin de la geurre. Igie ne connaissait maintenant plus du quart des nobles qui y siegeaient. Le constat quand aux ducs, barons et autres contes étaient encore plus décourageant.
La jeune femme ne voyait qu'une solution, trouvé le moyen de retrouver son titre et à partir de là se rendre indispensable.

Elle arrivait toujours au même constat.... et toujours au même déséspoir...

Du haut de la fenêtre de sa chambre, Francine avait suivi tout l'échange. Certes, elle n'avait pas pu entendre ce qu'il se disait, mais l'expression sur le visage de deux personnages l'avait plutôt bien aidé à ce faire une idée de se qui se tramer par ici. Au début, elle avait eu une peur affreuse que son mari n'ait pris la jeune noble pour amante. Après tout, Patrick se montrait parfois très étonnant !

Mais non... Apparemment pas. Ou du moins, ce n'était pas à ce moment là qu'il le montra.

La jeune reine se retint de rire lorsque le jeune page arriva et interrompit les deux jeunes gens. Elle ne savait pas qui l'avait envoyé, mais celui-là avait fait une bonne action. Elle ne put se retenir de glousser, par ailleurs, et la jeune domestique attendant dans la pièce d'à coté vint voir si tout allait bien.

"Oui, oui, ne t'inquiète pas. Je ris juste d'une situation fort embrassante qui vient de me revenir en mémoire."
La jeune fille hocha la tête, et retourna dans l'autre pièce, satisfaite de ces déclarations.

Patrick et Igie se séparèrent, et Francine quitta son post d'observation, quelque peu déçue que la rencontre soit déjà terminée.

L'après-midi venait juste de commencer, et Francine n'avait guère quelque chose de prévue. Son mari devait assister plus tard dans la journée à quelque réunion fort endormante, mais elle n'avait pas été convié.

"Elia ! Elia : La jeune domestique fut la dans la seconde. Que dirais-tu si nous allions nous promener en peu en ville cet après-midi, incognito bien évidemment !"
La jeune domestique eut l'air horrifiée.

"Allez, cela va bien se passer. J'ai envie d'aller voir la mer..."
Toute excitée, Francine commença à se préparer pour sa petite escapade, espérant secrètement qu'elle croiserait la jeune noble et l'inviterait à se joindre à leur petite folie. Elle fallait qu'elle lui parle.

La journée avait été épuisante. Sa soeur avait bien raison... Il aimait se pavaner au milieux des nobles importants du royaume. Aujourd'hui... Il avait serrer ... Non, il ne se souvenait même plus combien de poignée de main il avait faites. Il ne s'était jamais autant incliné de toute sa courte vie. Une courbette par si, une autre par là. Il voulait prendre du bon temps et se relaxer dans les jardins ... Et marcher un peu en companie d'une belle demoiselle.

Il arrivait juste dans le jardin royal qu'il aperçu une charmante demoiselle... Seule, se baladant élégament dans les jardins et pied nus.

Il s'empara rapidement d'une rose rouge dans l'un des buissons et se déplaça avec grâce vers la demoiselle. Il s'inclina avec tant de grâce que lui même en fut bluffé. Il se releva et fit un sourire ravageur.

"Bonsoir, Je ne voudrais pas vous déranger, mais accepterais vous de découvrir les délices de ce jardin en ma compagnie ?"

Les yeux noirs d'Igie étincellèrent d'une sombre colère. S'en était trop. Elle ne pouvait souffir d'un nouvel incident. D'abord le roi et puis maintenant...Ce bellâtre. Si on l'apprennait les rumeurs en plus d'être tenaces seraient désgréable et achèveraient sa situation précaire.
La présence, le maintien et l'assurance du jeune homme laissaient à penser qu'il était de naissance aisée sinon noble. Les vêtements de l'impertinent étaient élégant mais simples, choses rare à Rillanon ou frivolités, sophistications étaient les maîtres mots. Un riche roturier ou un noble de l'ouest ? Son accent lui paraissait pourtant étrange....Enfin, elle lui devait une réponse... ou pas.

"Cette fleure va fâner. "

Sans un mot ou un regard de plus, Igie contourna le jeune homme et continua son chemin. Qu'est ce qui pouvait bien encore surgir des buissons de ce maudit jardin après le roi, un page et se prétentieux....

L'après-midi avait été des plus pénibles. Certes, Sheeana s'était éclipser plutôt rapidement, laissant le soin à son frère de se pavaner tout son saoul. Mais l'homme qui l'avait rejoint dans ses appartements ne l'avait pas distraire, bien au contraire. Elle l'avait viré de sa chambre et de son lit quelques minutes après qu'il y soit rentré. Sa retenue et son refus de participer à de nouvelles expériences l’avaient mis dans une colère froide. On avait du l'entendre lui hurler après jusque dans la ville, mais cela lui important peu.

Elle avait enfilé une robe couleur crème, simple, peu élégante, mais au décolleté vertigineux. Elle termina son accoutrement extravagant en maquillant son visage bien plus que nécessaire. Puis, furieuse et frustrée, elle était allée se promener à l'extérieur. Peut-être que prendre l'air lui ferait du bien après tout.

Elle avait assisté sans le faire exprès à la courte entrevue entre son frère et une belle inconnue. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle errait, telle une âme en peine, mais voir son frère faire la cour si maladroitement à l'inconnue ramena un peu sa bonne humeur.

La voyant s'éloigner, elle s'approcha de son frère. La reconnaîtrait-il? Il serait amusant que non.

"Et bien, il semblerait que cette jeune demoiselle n'est pas compris ce qu'elle rate en vous délaissant ainsi..."
Elle maquilla quelque peu sa voix, et fit en sorte que son visage reste le plus souvent dans l'ombre de son abondante chevelure, le seul signe qui risquait de la trahir. Elle désirait ardemment voir jusqu'où irait son frère...