Un cauchemar. Effrayant, empli d'une tristesse terrifiante. Un sentiment de perte immense, de vide qui ne sera jamais comblé. Incompréhension, indécision, doute. Les ténèbres, partout, envahissant la moindre parcelle de lumière. Et la chute, vertigineuse. Elle crie...
... et se retrouve, baignée de sueur, dans la chaleur réconfortante de son lit, en Elvandar. Tout prêt d'elle, deux paires d'yeux la regardent, grands ouverts. Une foule de questions semblent jaillir des regards de ses deux enfants. Avec un sourire et une caresse, elle les réconforte, leur fait envoler leurs craintes. Mais pas la sienne. Aujourd'hui, quelque chose va arriver. Et quelque chose de peu réjouissant.
Pourtant, elle sait que rester dans son lit, entourée par la sécurité toute relative de ses draps soyeux n'est pas la solution. Quelque soit ce sentiment persistant de vide qu'elle sent au fond d'elle, elle sait qu'il faut y faire face. Elle n'a pas le choix. Ou elle le regrettera certainement le restant de ses jours.
Une fois un petit-déjeuner léger et frugal avalé, elle amène ses enfants jouer dehors, profiter de la compagnie de leurs récents amis et de l'air frais matinal. Son humeur triste ne doit pas venir assombrir celle de ses deux adorables jumeaux. Pour eux, elle réussit l'impossible : sortir au grand jour, affronter l'extérieur, alors que sa seule envie est de se terrer au plus profond d'un sommeil sans rêves, afin d'oublier la calamité qui semble se dessiner à l’horizon.
Ils arrivent au niveau du sol et, d'un même élan, les deux garçons s'élancent, retrouvant gaiement les autres enfants qui s'amusent. Pensive, perdue, elle va s'asseoir sur un banc tout proche, d’où elle pourra surveiller ses enfants. Mais quel danger pourrait donc bien venir perturber la tranquillité matinale? Doucement, elle sombre dans ses pensées... plus mélancoliques les unes que les autres.
Un battement de coeur plus tard, une voix résonne tout près d'elle, l'extrayant des tréfonds de son esprit. Il lui faut un moment avant de se rendre compte que de nombreuses minutes se sont écoulées, voir même plusieurs heures : l'engourdissement dans sa nuque et dans le bas de son dos, l'ombre plus allongée des arbres, la fatigue apparente des enfants. Elle a perdu toute notion de temps, et s'en affreusement. Et si quelque chose était arrivée pendant ce temps là? Mais le seul incident notable est le genou écorché d'une petite fille, déjà repartie gambader avec ses camarades.
Elle se retourne, et fixe de son regard apaisant l'homme qui vient de la héler. Un sourire timide se dessine sur son visage, illuminant doucement ses traits. D'un petit geste de la main, elle l'invite à s'approcher.
"Bonjour Calis" répond-elle dans un murmure, semblable au bruissement du vent dans les feuilles de la forêt alentour.
Sa présence la réconforte, comme toujours. A ses côtés, elle se sent plus forte. Elle se sent revivre. L'arrivée de l'elfe chasse ses sombres pensées, les fait s'envoler au gré de la brise légère, les emportant loin de ce havre de paix. Il lui semble qu'elles n'ont jamais existé, qu'il n'y a jamais eu ce drôle de sentiment d'urgence, comme si quelque chose de terrible allait arriver.
Pour la première fois de la journée, Ellia est heureuse.