Appartements D'Igie - Cadeaux !

Margot faillit trébucher.

Portant trois longues robes, elle voyait à peine où elle marchait. Pas facile de mettre un pied devant l'autre lorsque l'on porte des habits deux fois plus grands que sa taille !

La reine Francine l'avait convoqué de bon matin, toute étonnée et impatiente qu'elle était de se rendre - enfin ! - devant la reine. Et tout cela pourquoi? Pour se faire entendre dire qu'elle devait aller servir une noble de l'ouest, et non la reine elle-même.

*Pourvu qu'elle soit aussi gentille que M'dame Francine c'te nouvelle !* pensait-elle, tout en longeant de longs couloirs, mais à vrai dire, elle ne le croyait pas plus que ça.

Francine l'avait fait venir de bon matin, non pas que pour lui annoncer ses nouvelles fonctions, mais également pour qu'elle apporte à sa nouvelle "maîtresse" de nouveaux habits.
"Je ne veux pas que tu les abîmes Margot. Mademoiselle de Rougerie est mon invité, et malheureuseument ses bagages se sont perdus. Je voudrais la dédommager avec ses quelques affaires. J'espère qu'elles lui plairont, ce sont de vieilles robes. Heureusement que nous faisons presque la même taille !"

Margot avait écouté la reine discourir pendant une demi-heure, sortant des tonnes de robes - plus qu'elle n'en aurait jamais elle, pauvre domestique ! - des pendries de ses appartements, des robes toutes aussi belles les une que les autres, et pas franchement vieilles. Mais Margot n'avait pas voulu contredire la reine sur ce point.

C'est ainsi que, trois encombrantes robes dans les bras, elle se dirigeait à pas prudents vers les appartements de la d'moiselle Rougerie.

Arrivée enfin devant l'imposante porte, Margot frappa fort du pied contre le bois. Au moins, on l'entendrait. Un grand sourire sur les lèves, elle attendit qu'on la somme d'entrer.

*A quoi peut-être bien ressembler la d'moiselle Rougerie?* se demandait-elle effrontement. *Est-elle au moins aussi belle que la Reine?*

Malgré sa surprenante rencontre nocturne avec la reine et la troublante fin qu’avait prise la discussion, la fatigue avait rattrapé Igie. Elle n’avait pas fait de manière, elle avait prestement enlevé sa robe et l’avait observé avec une grimace dégoûtée. Le vert émeraude ne méritait presque plus la dénomination de vert. Elle avait cherché de quoi se laver ou par défaut au moins se rafraîchir pour finalement se décider à aller se coucher nue. En ôtant même ce qui lui servait de sous vêtements à l’odeur peu attrayante du à un trop long voyage. Elle s’était glissée sous les couvertures du lit et s’était abandonnée avec un soupir d’aise au moelleux du matelas. Très rapidement, elle sombra dans un profond sommeil, trop fatiguée pour essayer d’analyser les derniers événements.

Deux bruits sourds percèrent les limbes de ses rêves pour la tirer vers la conscience. Igie grogna et se retourna dans le lit. Elle se tortilla sous les couvertures pour chercher la position la plus confortable pour se rendormir quand soudainement, elle réalisa avec effroi où elle était.

« Rillanon ! »

Igie, complètement paniquée, se redressa dans le lit et découvrit, pour la première fois, la chambre dans son intégralité, éclairée par la lumière du soleil qu,i filtrait des lourds rideaux. Qui cela pouvait être ? Le Chamberlan ? La reine ? Cette éventualité fit sortir Igie se sa léthargie. D’un geste large elle leva les couvertures pour aussitôt être mordu par le froid ambiant. Nue !! Elle était nue. Par pur réflexe, elle ramena les couvertures sur elles, tout en rougissant.

Elle chercha des yeux ses vêtements. La robe verte était négligemment posée sur une chaise. Ses sous vêtements jonchaient le sol de la chaise au lit. Elle se maudit. Igie tourna la tête pour trouver une solution. Elle bredouilla :

« Un …. Un in….un Instant je vo..je vous prie… »

Avec un juron digne d’un vétéran des frontières, elle quitta la chaleur du lit pour se précipiter à rassembler ses effets. Sautillant d’un pied sur l’autre pour enfiler ses sous-vêtements tout en priant Ruthia que la porte ne s’ouvre pas avant qu’elle ait fini. Finalement, elle mit la robe ne prenant pas le temps de l’ajuster.

C’était une Igie, les cheveux noirs en bataille, les yeux encore gorgés de sommeil, un peu essoufflée habillée d’une robe fatiguée et fripée par endroit qui dit d’un ton qui se voulait le plus neutre possible :

« Entrez. »

Elle se mordilla la lèvre d’inquiétude…

Après quelques secondes qui lui parurent une éternité, Margot entendit enfin le fameux mot "Entrez" prononcé sans chaleur... ni même colère.
*C'commence bien on dirait... Quelle vieille pie j'vais devoir encore supporter?*

Ouvrant tant bien que mal la porte, très peu facile de le faire sans ses mains, Margot entra dans les appartements, les robes lui cachant la vue, mais non la bouche.

"Mademoiselle, je suis Margot, votre nouvelle femme de chambre. Ordonnez, et vous serez obéi immédiatement." *En fait de femme, plutôt une fille...* se lamenta la concernée : à peine quinze ans, et cela faisait pas moins de quatre ans qu'elle travaillait au palais !

Esquissant une pitoyable révérence, elle reprit, le visage toujours caché par les robes encombrantes :
"Sa Majesté la Reine m'a demandé de vous apporter ces quelques affaires, en dédommagement de vos bagages étourdiment perdu. Sa Majesté espère qu'elles seront à votre convenance et à votre taille. Elle vous enjoint d'ailleurs à lui faire part de vos mécontentements sur vos appartements, si jamais mécontentements il y a."

Apercevant soudain un large fauteil à travers un petit trou entre les couches de robe, elle s'y avança sans même qu'on ne le lui ait prié. Les déposant dessus délicatement, Margot put enfin faire face à sa nouvelle maîtresse. Que ne fût-elle pas surprise de découvrir devant elle une belle jeune fille assez mal attifée. Apparemment, elle l'avait sorti de son sommeil.

Ayant la bonne grâce de sourire jusqu'à la pointe des cheveux, Margot fit une nouvelle révérence, bien mieux réussie cette fois-ci, et se confondit en excuse :
"Que Mademoiselle veuille bien me pardonner de l'avoir réveillée. Mais c'est que la séance du matin va bientôt commencer, et que Sa Majesté m'a pressée de vous apporter ces vêtements afin que vous puissiez y assister."

Fixant le sol avec beaucoup d'intérêt, Margot espéra que la punition ne serait pas trop sévère.

La porte laissa place à une superposition d’étoffe mouvante. Igie écarquilla les yeux et souffla de soulagement lorsque la personne qui se cachait sous ce qui étaient des robas magnifiques dévoila son nom et sa fonction.

Igie tiqua à la mention de soit disant baguages égarés. Un sourire se dessina lentement sur son visage. La reine était bien attentionnée à son égard, elle ne savait pas trop pourquoi mais cette générosité touchait Igie bien plus qu’elle se permettait de le reconnaître. La reine lui offrait bien plus qu’elle n’avait pu l’espérer. Igie allait pouvoir dignement défendre la baronnie Rougerie et son héritage. Elle ne détachait plus les yeux des robes maintenant posées sur un des sièges de la chambre.

« Que Mademoiselle veuille bien me pardonner de l'avoir réveillée. Mais c'est que la séance du matin va bientôt commencer, et que Sa Majesté m'a pressée de vous apporter ces vêtements afin que vous puissiez y assister. »

Igie posa son regard sur la femme de chambre et la détailla d’un regard des plus impersonnel des pieds à la tête. Soudain prise d’une bouffée de bonne humeur, Igie déclara d’un ton enjoué :

« Enchantée Margot, dis moi connais tu bien Sa Majesté ? »

Elle fit une petite moue comme si elle venait de se souvenir de quelque chose de fâcheux.

« Tu dis que la séance va bientôt commencer, aurais je le temps de prendre un bain avant ? »

Margot fut un peu gênée lorsque la femme la détailla des pieds à la tête. Mais maintenant qu'elle était à son service, Margot allait devoir supporter bien pire que ça. En tout cas, son examen dût la satisfaire, car la jeune fille demanda, d'un ton enjoué :

"Enchantée Margot, dis moi connais tu bien Sa Majesté?"

Margot ne sût que répondre. Devait-elle lui mentir, lui dire la vérité? Révéler les petits secrets de la reine ou au contraire rester muette comme une carpe? Elle ne savait pas encore si elle pouvait se fier à cette femme, et ne connaissant pas bien sa position vis à vis de la reine.

C'est donc avec soulagement qu'elle entendit venir la deuxièpe question :
"Tu dis que la séance va bientôt commencer, aurai-je le temps de prendre un bain avant?"

Margot ne réfléchit que pendant quelques secondes :
"La séance ne commencera pas avant une bonne heure, Mademoiselle. De plus, il me semble avoir entendu que Sa Majesté prévoit de vous faire passer dès les premiers. Elle ne voudrait pas que la séance ne rajoute de la fatigue sur celle de votre voyage."

Comme pour appuyer ces mots, quelques coups furent frappés à la porte, qui s'ouvrit aussitôt. Deux femmes entrèrent dans la chambre, des sceaux d'eaux fumantes dans les mains. D'un pas sûrs, elles se dirigèrent vers le petit cabinet de toilette jouxtant la chambre et entreprirent de remplir la baignoire.

"Sa Majesté avait prévu cette éventualité, j'espère que vous n'êtes pas fâchée par cette brutale irruption dans vos appartements, Mademoiselle." demanda Margot, alors que les deux femmes se retiraient, faisant une rapide révérance, et en leur annonçant que le bain était prêt et risqué de refroidir très vite.

"Si Mademoiselle le veut bien, son bain l'attends" ajouta Margot, en désigant le petit cabinet de toillettes d'où s'éxhalait le parfum des essences de bain parfumées.

Igie ne se fit pas priée. Elle quitta sa robe pour se plonger avec précautions mais délectations dans le bain chaud. Elle ferma les yeux pour mieux identifier les fragrances parfumées. Elle se laissa aller et failli s’endormir. Se sentant comme tomber, Igie se redressa vivement, éjectant de l’eau du bain.

Elle commença sa toilette et au fur et à mesure l’eau se troublait. Igie fut prise d’une frénésie inexpliquée, elle frottait sa peau jusqu’à ce quelle devienne rouge comme pou chasser une couche de saleté tenaces mais complètement imaginaire.

Du sang, de la terre, de la cendre, l’odeur des mort, leur infâme pestilence, c’était la première fois depuis bien longtemps qu’elle était au calme, libre. Elle avait réussit à arriver jusqu’à Rillanon et maintenant les atrocités dont elle fut témoins la rattrapaient. Se rendant enfin compte de ce qu’elle s’infligeait, elle s’attaqua de manière beaucoup plus douce à la toilette de ses cheveux. Il fallait qu’elle trouve quelque chose, n’importe quoi pour lui occuper l’esprit. Elle ne devait pas faillir, pas maintenant.

D’un ton péremptoire elle s’adressa à Margot :

« Dis moi, qui se trouvent actuellement à la cours ? Quels sont les nobles présent à Rillanon ? »

Trouver des alliés, identifier ses adversaires. Les mettres hors jeux. Les yeux noirs d'Igie se rétrécirent pour n'être que deux fentes étroites.

Margot était restée dans la chambre pendant que la jeune fille prenait son bain. Comme elle n'avait pas été invitée à venir l'aider, elle n'avait aucune idée de s'imposer. Elle ne connaissait pas assez sa nouvelle maîtresse pour outre passer ses ordres.

Flânant dans la chambre, admirant la vie par la grande baie, elle sursauta, lorsque la voix de la femme monta de la salle de bain.

"Dis moi, qui se trouve actuellement à la cour? Quels sont les nobles présents à Rillanon?"

Margot revint précipitamment mais sans bruit près de la porte, se mordillant la lèvre. Que devait-elle dire? Lui mentir, simuler l'ignorance ou bien lui répondre franchement? Margot décida de biaiser :
"Je ne sais pas trop, Mademoiselle. Avec toutes ces départs et arrivés, j'avous que je ne sais plus trop qui est encore là ou qui sera parti dès le soir. Je sais que le prince James est parti très vite après la fin du mariage, prétextant des affaires urgentes à régler. Je le sais car Sa Majesté à été très peinée de son départ si précipité. Ils ont toujours été très proches, Elle et lui...

Quelques autres nobles aussi ne sont pas trop restés longtemps, mais je ne les connais pas tous, et ne peut donc vous fournir de noms. Néanmoins, la plupart des nobles importants sont encore ici.

Ah oui, le père de Sa Majesté la Reine est reparti lui aussi, tout comme le duc de Crydee. Mais leurs raisons, une simple femme de chambre n'en a pas eu connaissance."

Margot s'interrompit, ne sachant pas quoi dire d'autre.

Igie était certes de noble naissance mais elle n‘avait jamais disposé d’une femme de chambre attitré. Baronnie n’était pas duché. Elle n’avait donc pas l’habitude de laisser sa toilette à quelqu’un d’autre.

La réponse de Margot était bien vague mais laissait espoir à Igie de pouvoir défendre sa cause devant une foule intéressante. Une phrase inachevée de la femme de chambre retint toute fois son attention.

« Le prince James et Sa Majesté ? Proche ? Comment cela ? »

Elle sortit du bain et s’enroula dans les serviettes de manière à être libre de ses mouvements. Sur la pointe des pieds, elle sautilla jusqu’aux robes que Margot avait déposées. Igie les détailla avec envie et hésitation.

« Celle là ! »

Avec une moue victorieuse, Igie indiquait d’un doigt une robe aux tons clairs.

« Aide moi. Combien de temps reste t’il avant la séance ? »

A la première question de la jeune Igie, Margot rougit jusqu'à la pointe des cheveux... avant de se reprendre bien vite : après tout, tout le monde était au courant de la profonde amitié qui liait la reine et le prince.
"Et bien... Sa Majesté et Monseigneur le Prince de Krondor ont toujours été de très bons amis. La rumeur dit, parait-il, que le Prince était persuadé que c'est à lui que, après la guerre, on marierait à Sa Majesté..."

Margot s'interrompit, alors que la jeune fille sortait de la salle de bain et lui désignait la robe qu'elle désirait mettre.
Elle alla la chercher et, tout en aidant sa maîtresse à la revêtir, elle répondit à sa deuxième question.

"Très bon choix, Mademoiselle, je suis certaine qu'elle vous sera du plus bel effet. Quand au temps qu'il reste avant la séance, peu je le crains. Moins d'une heure en tout cas, et je vous conseille de vous hâter, si vous désirez arriver la première. Enfin, Mademoiselle, ce sont là les paroles de Sa Majesté. Elle tenait absolument à vous entendre dans les premiers."

Margot se tût, et se concentra sur l'habillage. Elle n'avait jamais été très douée pour cela, mais n'avait pas non plus envie que sa nouvelle maîtresse arrive mal fagotée à la séance matinale. Après tout, sa présence comptait apparemment beaucoup pour la reine. Et Margot, plus que quiconque, détestait déplaire à Sa Majesté...

Igie mémorisait les brides d’informations recueillies avant de concentrer sur son habillement et sa présentation. Loin d’être passive, Igie s’occupa inconsciemment d’une grande partie de cette tache gênant même parfois Margot dans ses gestes. Igie n’avait vraiment pas l’habitude d’être assistée mais ne voulait en aucun le montrer sciemment.

Une fois la roba revêtue, Igie s’admira dans une glace tournant sur elle-même comme une toute jeune fille le ferait. Malgré sa noble naissance, elle n’avait jamais porté robe aussi belle. C’était un plaisir pour elle que de retrouver de tels habits. De retrouver son armure dans le jeu de ma cour. Elle réprima un petit frison électrique. Elle sourit avant de se rappeler qu’elle n’était pas seule, elle afficha à nouveau un visage plus protocolaire. Igie s’empara d’une brosse et commença à s’attaquer à ses cheveux. Elle n’avait pas le temps de se lancer dans une coiffure sophistiqué, à défaut elle ferait quelque chose de très naturel. Une fois terminé, elle se tourna vers Margot :

« Merci. »

Puis en sautillant d’un pied sur l’autre :

« Tu… Tu peux m’amener jusqu’à la salle d’audience… C’est ma première venu au Palais… »

Margot regarda, ébahie, la jeune fille resplendissante dans sa nouvelle tenue. Elle était vraiment très belle, habillée grâce aux soins de Sa Majesté, et Margot se demanda comment elle avait fait pour ne pas s'en rendre compte bien avant. Même une fois ses cheveux coiffés simplement, elle rayonnait.

Margot sourit : sa maîtresse avait l'air tellement heureuse qu'elle oublia pour un temps ses réticences à son égard.

Lorsque Igie lui demanda de l'emmener à la salle d'audience, Margot exécuta une rapide révérence, tout en répondant :
"Je suis aussi là pour cela, Mademoiselle. Si vous voulez bien me suivre..." rajouta-t-elle, tout en s'esquissant derrière la porte qu'elle était allée ouvrir.

Et puis, à la suite de la jeune fille, Margot pénétra dans le couloir.



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>> Salle du trône

Prostrée.

Igie s’était enfui dans ses appartement aussi rapidement que la bienséance lui avait permis. Secouée par des tremblements, elle ne résista et se laissa tomber à même le sol. Les larmes ne venaient pas malgré sa détresse, malgré sa colère, malgré son dégoût d’elle-même. Elle n’arrivait pas encore à pleinement réaliser toute l’étendue de la faute qu’elle avait commise. Les visages de ses frères et de ses parents lui revinrent, et un moment elle crut que les larmes tant contenues coulaient enfin, mais non. Lorsqu’elle porta les mains à son visage, ce dernier était sec, tremblant mais sec.

Les yeux grands ouverts, le regard vide, elle resta ainsi, allongée sur le sol, inerte, secouée périodiquement par un spasme. Le goût de l’échec était amer, elle avait survécut à la guerre uniquement pour une seule chose, elle en avait fait sa raison de vivre, de continuer à se battre. Un cri faible et aigu s’échappa de ses lèvres.

Quand finalement, Igie trouva la force de se redresser pour s’asseoir, seul ses cheveux en batailles et sa robe pouvaient trahir sa faiblesse.

Margot ne savait pas trop où trouver la jeune noble à qui son service était attaché.

Devait-elle errer dans les couloirs, héler pages et domestiques, se rendre dans les jardins ou dépêcher quelqu'un en ville? Ne sachant absolument pas où se rendre elle opta pour la solution la plus simple : elle alla directement, après avoir quitté la reine, aux appartements de la jeune Igie.

Margot n'en revenait toujours pas : la reine lui avait demandé son aide ! Et ce n'était pas une mission de moindre importance dont elle l'avait chargé, c'était véritablement quelque chose de vraiment important aux yeux de la reine. Margot était toute fière, toute contente ! Elle aurait tout donné pour aider la reine.

Mais, d'un autre côté, elle était rongée par la peur. Et si elle échouait? Après tout, elle n'avait jamais fait cela de sa vie et beaucoup d'enjeux pesaient déjà sur cette première visite. La reine lui avait donné beaucoup de consignes, de conseils, mais saurait-elle les appliquer le moment venu?

Margot n'avait pas le temps de réfléchir plus à la question car elle venait d'arriver devant la porte des appartements d'Igie. Elle y frappa, certaine de n'obtenir aucune réponse.

*Faîtes qu'elle ne soit pas là !*

Igine ne saurait dire combien de temps s’était écoulé depuis sa fuite de l’audience, 10 minutes, une heure, 5 heures. Elle avait retrouvé la maîtrise de soi même mais s’était laissé emporté dans les souvenirs teintés de mélancolie. Les visages et les paysages se mélangeaient.

On frappa à sa porte. Igie brutalement ramené à la réalité hésita. Pouvait elle faire comme si elle n’était pas là, se cacher, fuir ? NON ! Elle devait lutter, elle avait faiblit et faillit, à elle de se battre.

Elle se leva, n’essaya pas de lisser sa robe, les plis étaient bien trop nombreux. Elle chassa une mèche de cheveux d’une main agacée avant de dire d’une voix vibrante de détermination :

« Oui, entrez ! »

Margot était sur le point de faire demi-tour lorsqu'on l'invita à entrer.
*Et dire que j'aurais pas plus de temps pour me préparer...* Se mordant la lèvre inférieure afin de réprimer un soupir, mais surtout ses larmes, elle ouvrit la porte et, une fois à l'intérieur, fit un pas en avant, exécuta une révérence parfaite et ne bougea plus, les yeux fixés au sol.

Pendant quelques secondes, un lourd silence flotta entre les deux femmes et puis, enfreignant les règles de l'étiquette (pourquoi serait-ce aux domestiques de parler les premiers?) Margot parla, trop apeurée à l'idée de se dégonfler si la jeune noble lui demandait ce qu'elle faisait là.

"Tout à l'heure, Mademoiselle, une des domestique au service de Sa Majesté la Reine m'a fait parvenir un message, venant directement de son Altesse. Cette domestique m'a également dit que ce message vous était personnellement destiné et que, afin qu'il ne tombe pas entre de mauvaises mains, Son Altesse avait préféré me le confier.

Je ne connais pas la teneur de ce message, car la domestique m'a remis une lettre en même temps que ces instructions. Ainsi, m'a-t-elle dit, je ne pourrais changer la teneur de ce message à mes avantages ou aux désavantages de Mademoiselle.

Si vous le permettez, j'aimerais vous lire cette lettre... à moins que vous ne préféreriez le faire par vous même... même si la domestique m'a expressément fait promettre que ce serait moi, et uniquement moi, qui devrait lire les instructions de Sa Majesté."

Margot inspira doucement, essayant de calmer les battements affolés de son coeur. Elle espérait que son mensonge passerait sans problème.
Et, afin d'appuyer son histoire, elle sortit d'une des poches cousues à même sa robe une lettre, cachetée du sceau royal. C'est uniquement à ce moment qu'elle s'autorisa à relever les yeux. La jeune noble la regardait d'un drôle d'air mais son regard ne cilla pas. Elle ne devait pas échouer, elle n'en avait même pas le droit...

Le soulagement laissa place à l’étonnement qui céda la lui-même à une sourde colère qui s’évapora aussi rapidement qu’elle était venu. Le visage d’Igie était par contre resté impassible devant l’entrée de Margot. Igie resta silencieuse, guindée, attendant que la femme de chambre prenne la parole. Ce qu’elle fit après un temps de latence.

Igie n’avait pas quitté Margot des yeux depuis son premier mot. La missive royale lui faisait peur mais elle ne pouvait se permettre de le montrer. Les paroles de celle qui pour l’instant tenait les doutes et les espoirs d’Igie en ses mains avaient été bien hésitantes.

Un froncement de sourcils, premier craquellement du masque d’Igie.

« Tu sais donc lire ? »

Elle ne laissa pas le temps à Margot de même entre ouvrir le bouche.

« Tes mots me semblent bien étranges, et parfois même contradictoire par leur implications. »

Et si cette lettre la répudiée, quelle humiliation cela serait que de l’apprendre de la bouche d’une simple domestique.

« Si ses écrits me concernent et nécessitent autant de précautions, j’ai du mal à comprendre la nécessité dans ton implication par la lecture de la lettre ? Explique toi. »

Le regard d’Igie s’était durcit. Elle avait commis une erreur, c’était la dernière se promit elle.

Première épreuve... Et déjà Margot faillait. Elle n'allait jamais y arriver, elle n'était vraiment pas assez prête ! Elle aurait du prendre plus le temps de monter une histoire plausible que de se lancer ainsi, à chaud, avec quelques conseils pour seuls coéquipiers. Non, vraiment elle était mal partie... Mais n'avait pas l'attention de rester passive. Si la défense ne marchait pas, il fallait passer à l'attaque et tout de suite. Après tout, que risquait-elle? De se retrouver au service d'un vieux noble acariâtre? Aux cuisines? Ou bien... Non, vraiment, rien ne lui faisait peur, et elle se devait de satisfaire la reine !

"Je sais lire, en effet, je pense que c'est en partie pourquoi l'on s'est adressé à moi, mise à part le fait que je suis attachée à votre service. Je suppose que, grâce à ses deux "conditions", Sa Majesté était plus sereine qu'en au porteur de son message."

Soudain, Margot eût un déclic : le comportement si méfiant d'Igie venait peut-être du fait qu'elle s'attendait à un message horrible de la part de la reine. C'était certainement pourquoi elle ne voulait pas que Margot lise la lettre ! Margot n'était absolument pas préparé à ce genre de situation et elle aurait bien éclaté de rire, se serait bien précipité vers la jeune fille afin de la rassurer. Non, le message n'a rien de terrible, tout au contraire !

Désireuse d'abréger cette première étape qui s'était véritablement transformée en cauchemar, elle décacheté le sceau royal, tout en annonçant :
"J'ai reçu l'ordre de vous lire cette lettre, c'est pourquoi je vais le faire sur le champ. Quelque soit le message, vous pouvez comptez sur moi pour le tenir secret. Je suis à près tout à votre service, et ce n'est absolument pas dans mes intérêts de dire du mal de vous, dans votre dos. Ainsi, Mademoiselle, si vous permettez, voici le message de Son Altesse Francine."

Et, sans même attendre la réponse de la jeune noble, elle commença à lire le message qui dissiperait ses doutes. Margot savait lire, sur ce point elle n'avait pas menti, mais elle savait que jamais elle n'aurait été capable de lire exactement ce qui était marqué sur la lettre. Ses connaissances étaient bien trop maigres et imparfaites pour arriver ne serait-ce qu'à lire plus de trois lignes sans s'interrompre. Néanmoins, elle avait appris le texte par coeur (elle avait une excellente mémoire), et cela, Igie ne le savait pas.



Lorsqu'elle eut fini sa lecture, Margot laissa tomber la lettre sur une petite table tout près, afin de montrer à Igie qu'elle était désormais à sa disposition. Et, conformément aux ordres de la reine, fit mine de s'en aller, sans oublier toutefois d'adresser une révérence à la jeune noble.

Igie bouillonna lorsque Margot amorça le geste pour ouvrir la lettre. Elle foudroya la servante d’un regard chargé de menaces. Elle s’élança pour arracher la missive des mains de l’impertinente. Le début de la lecture l’arrêta.

Une fois fini, Igie prit la lettre pour rapidement la parcourir des yeux en stoppant le départ de Margot d'un geste sec. Tant de générosité était dérangeant, hors des habitudes et peut être même des conventions. Qu'avait elle pu faire pour mériter autant d'attention ? Attendait on quelque chose d'elle. Elle se demandait bien quoi.

Igie reposa lentement la lettre, pour ensuite fixer son attention sur la servante. Les yeux noirs de l'héritière des Rougeries brillèrent d'une sombre colère. L’effort pour se contenir était visible.

« Remercie grandement Sa Majesté pour moi, de son invitation, que j’accepte que pour ses attentions. Tu peux disposer. »

Elle devait réfléchir.

Margot eut envie de s'enfuir en courant, tellement la jeune noble était en colère. Mais elle arriva à se maîtriser... jusqu'à, du moins, qu'Igie lui demande de disposer. A ce moment, Margot ne demanda pas son reste et, sans un mot, quitta rapidement la chambre, le coeur battant à la chamade.

Margot ne comprenait rien... Elle aurait dut être contente d'être invitée à venir partager le dîner de sa Majesté et d'être l'attention de tant d'honneur... Alors que là, on dirait qu'elle n'avait pas envie de recevoir tant d'attention et surtout, d'être l'objet de tant de gentillesse...

Néanmoins, malgré le comportement incompréhensible de la jeune noble, Margot savait qu'elle avait reçu. Elle avait accepté de venir dîner en compagnie de la reine, et c'était le plus important.

Mission réussie... Mais à quel prix? Margot avait peur désormais de se retrouver en compagnie d'Igie. Comment réagirait-elle dorénavant? Serait-elle froide, la maudirait-elle pour son impertinence? Ou bien alors, irait-elle jusqu'à la remercier pour ce qu'elle avait fait?

Margot n'en savait rien, et n'avait pas très envie de savoir. C'est pourquoi, sans réfléchir, ses pas la conduisirent vers les appartements de la Reine.

Arrivée devant, elle fut étonnée de voir un drôle d'homme attendre devant.

Margot n'avait pas fait grand-chose du reste de l'après-midi. Elle avait été en colère de se faire traiter comme une moins que rien par ce magicien, mais elle avait compris qu'elle n'était pas à sa place lorsque la reine l'avait congédiée gentiment. Depuis ce moment, elle n'avait fait que rêvasser, se demandant ce qui pouvait être aussi important pour qu'une insignifiante servante ne soit pas acceptée à entendre les propos échangés.

Puis, en fin de soirée, Francine l'avait fait mandée, et elle avait compris qu'il fallait qu'elle aille chercher Igie pour le repas du soir. Avec toute cette agitation, Margot avait oublié de parler à Francine de ce qui s'était passé dans la chambre, mais elle ne jugea pas utile de lui en parler de nouveau. C'est pourquoi elle accepta sans rien dire d'aller chercher la jeune noble.

Margot espérait seulement qu'elle ne serait plus en colère ! Elle ne voulait pas ses foudres retombent une fois de plus sur elle...

Elle parvint devant la porte des appartements d'Igie et frappa doucement, se demandant si la jeune noble était présente... ou non.


[Désolée que le RP avec Pug et les autres ait duré si longtemps ]

Igie avait choisit une robe simple, enfin, aussi simple que pouvait l’être un habit ayant appartenu à la maison royale.

La prise de conscience pour Igie avait un goût de fiel. Lorsque Margot avait ouvert la missive royale, l’héritière des Rougeries avait vu toutes ses illusions de contrôles s’envoler. Elle n’avait plus aucun pouvoir ni sur les événements ni sur les décisions, elle ne pouvait que courber l’échine et subir. Elle avait réussit, lors de la longue et pénible guerre à se bercer dans un univers chimérique où elle avait conservé un semblant d’influence.

On toqua.

Igie se leva avec raideur de la chaise sur laquelle elle s’était assise. Elle ouvrit la porte. Sans surprise, elle découvrit la jeune servante. La Rougerie ne lui adressa même pas un regard et sortit de son appartement. D’un geste vague, elle invita Magrot à lui indiquer le chemin.

HJ : Y a pas de mal, il en faut pour tout le monde 

Apparemment, la jeune noble était encore en colère. Cela chagrina Margot, qui pensait vraiment que quelques heures toute seule aurait pu la mettre de bien meilleure humeur. Désireuse de ne pas envenimer encore plus la situation, elle fit profil bas.

Après une petite révérence, elle passa devant et emmena la jeune noble jusqu'aux appartements de la Reine. Une fois que ce fut fait, elle frappa quelques coups et, sans attendre, s'en alla, laissant Igie seule.