Arrivée dans un "café" de Durbin:

Neel, tout comme les trois marchands, resta un instant estomaqué devant l'ampleur de la révélation de Marcus. Des soldats de Tsuranni, ici, sur le sol de l'empire keshian? Neel se doutait bien qu'avec ses yeux écarquillés et sa bouche grande ouverte, il devait passer pour un sacré imbécile, mais il ne s'en préoccupait guère : ce que venait d'annoncer Marcus ressemblait à s'y méprendre à une véritable annonce de guerre civile. Jusqu'à ce point, le jeune garçon ne s'était pas très bien rendu compte d'à quel point Marcus était sérieux. A présent, les événements commençaient à le dépasser, et de beaucoup : il sentait même la peur venir se lover dans son ventre. Ils n'auraient pas le choix : réussir, ou mourir en essayant.

Les trois marchands reprenaient des couleurs, doucement, tout aussi stupéfait que lui, sinon plus. Eux non plus ne s'étaient absolument pas attendus à un coup de théâtre comme celui-ci. Projeter de détruire la racaille pirate, comme l'avait dit Padril, était une toute autre chose que de faire venir 200 mercenaires de de l'autre côté de la faille, afin d'appuyer leur révolte.

Déglutissant avec peine, et avalant une grande rasade d'alcool pour se donner du courage, Roland demanda, soudain bien moins fanfaron :
"Comptez-vous aller jusqu'au ban de sang, tuant tous ceux qui s'élèveront sur votre chemin, ou cette force militaire n'est là principalement qu'à but d'intimidation?"
Une autre gorgée d'alcool plus tard, et une légère rougeur lui colorant les joues, Roland enchaîna :
"Avez-vous déjà des noms pour les marchands que nous devrions, éventuellement, contacter en premier?"

Neel comprit, avec un peu de retard, que cette question n'était rien de moins qu'un demi-consentement que les événements qui allaient se dérouler.
*Ainsi... Marcus a gagné la première manche, et sans effort. Bravo.*

Marcus souriait lui aussi beaucoup moins, en effet, les choses étaient beaucoup trop sérieuses pour que l'on puisse en rire désormais, ni même en sourire. Il regarda un à un chaque marchand. Il attendit encore quelques instants avant de dire:

- Le bain de sang n'aura lieu que s'il est absolument nécéssaire, c'est effectivement plus pour notre crédibilitée que j'ai demandé à Dame Mara son soutient dans cette affaire... Nous avons deux jours pour prévenir les marchands de toutes la ville...

Marcus dévisagea tout le monde puis reprit finalement sa bonne humeure, il continua sur sa lancée:

- J'ai bien quelques noms en tête... Donédor, le marchand Isalani, le forgeron Isalani, est quelqu'un d'honnète et de droit... Julius Clersec le marchand d'épices Queganes est quelqu'un d'honnète, qui, en plus possède quelques navires... Je ne penses pour l'instant à personne d'autre... Nous avons deux jours pleins à compter de maintenant pour convaincre un maximum d'individus. Enfin, il faudrait que toutes les personnes de confiances soient aux courant pour l'arrivée des Tsurannis, afin qu'elles puissent soulever le peuples pour nous lors de l'arrver des Acomas... Des questions?

Marcus reprit enfin son souffle.

Neel fut surpris de voir que cette fois, ce ne fut ni Roland, ni Padril qui prit la parole, mais bien Ilgar, le petit homme, qui été resté très discret tout le long de la conversation. Son keshian avait un accent fort prononcé, mais Neel fut incapable d'en découvrir la provenance : ses paroles, en tout cas, étaient parfois difficilement compréhensibles.

"Nous ne vous promettons pas notre entière coopération, mais nous essayerons dans la mesure du possible de vous aider. Votre idée nous plaît bien et s'il s'avérait que la chance soit de notre côté, cela serait une bonne chose qu'un vent nouveau souffle enfin sur Durbin. Pendant ces deux jours, comment nous organiserons-nous? Aurons-nous un quelconque lieu pour nous réunir et discuter de l'avancement des opérations? Ou devons-nous rester le plus possible discret et nous voir que si extrême nécessité?"

Tout comme le regard des trois marchands, celui de Neel, interrogatif, vient se poser sur son nouvel employeur, attendant sa réponse avec une impatience difficilement dissimulée. Enfin, les choses étaient en route, et ils ne pourraient que difficilement reculer. Le cœur battant à la chamade, Neel se demanda si c'était uniquement sous le coup de l'adrénaline qu'il se sentait en nage. Il y avait fort à parier que quelque chose d'autre était à l'origine de son état...

Marcus se dit qu'Ilgar en avait mit du temps, ce dernier ne devait pas être vraiment très causant... Il écouta attentivement ce que lui dit le petit homme, il lui sourit d'un sourire tout à fait confiant avant de dire:

- Je choisirais la deuxième hypothèse, mais si nous devons nous voir, ce sera chez moi, mon domicile est bien protégé, j'embaucherais d'autres mercenaires d'ici là... En fait, à votre place, je ferais de même, pour votre sécuritée personelle, je ne vous cacherais pas que les journées à venir feront sans doutes parties des plus dangereuses de nos courtes vies... Mais après ces évènements, Durbin en sera grandie...

Marcus sourit encore à ses trois alliés, puis il dit finalement:

- Agissez non seulement dans la mesure du possible mais plus encore... Oui, nous aurons besoin d'encore plus, il faudra qu'un maximum de concitoyens soient armés... Ne l'oubliez pas, notre echec ou notre réussite dépendra en grande partie de la population... Il faudra les harceler de discours qui les exalterons!

Après une brève concertation, dont Neel ne capta, une fois de plus, aucun mot, les trois marchands se levèrent et, d'une même voix, saluèrent Marcus :
"Messire, ce fut un plaisir."
Puis, sans rien ajouter d'autre, ils quittèrent la taverne, laissant un Neel pantois, étonné par cette réaction peu commune.

Sans la présence des trois hommes la table paraissait bien vide, et il fallut un moment au jeune garçon avant de s'habituer à leur absence. Ce n'est qu'un fois parti qu'il avait remarqué à quel point leur présence était synonyme de bruissement d'étoffe, bling-bling de bijoux, et petits soupirs adroitement cachés. Le bruit de la salle commune semblait, en comparaison, bien plus agressif et lui irritait les tympans. Il avait hâte de sortir d’ici, et de respirer l’air frais du large.

Encore tout retourné de cette conversation qui ne s'était absolument jamais déroulé comme il s'y attendait, Neel tourna un regard interrogatif à Marcus, regard qui voulait dire : "Et maintenant?"

Marcus souriait comme un enfant qui venait de recevoir tout un tas de nouveaux jouets... Il répondit aux marchands avec emphase:

- Tout le plaisir fut pour moi, messieurs!

Il les regarda s'en aller puis il aperçut son second, Neel, il lui souria avec un sourire encore plus joyeux que celui qu'il avait dédié aux marchands.

- Mon cher Neel, je crois que tu as déjà appris certaines choses aujourd'hui... n'est-ce pas?

Il regarda une nouvelle fois son employé avec un sourire encore agrandit par la joie grandissante. Il finit par dire:

- Maintenant, à toi de voir si tu penses ton oncle assez digne de confiance pour lui parler de tout ceci... Sinon, reste chez-moi... Je ne vais pas faire grand-chose durant ces deux journées, à part attendre les nouvelles de nos associés... Tu verras, la patience et la politesse sont deux choses extrèmement importantes dans mon travail...

Il conclut sur ces mots:

- Maintenant, permets-moi de te dire au revoir, si tu as besoin de moi viens me voir chez moi...




[HRP] Je n'ai rien à faire de ces deux journées.... Donc on peut passer directement à celles-ci. Je dois m'en aller, j'espère voir une réponse en me levant demain.

La bonne humeur de Marcus était communicative, et Neel, sans bien savoir pourquoi, sentit un sourire se dessiner sur ses lèvres. Même si l'avenir était plus qu'incertain, cette journée avait été riche en rebondissements et en surprise, et elle restait gravée à jamais dans la mémoire de Neel jusqu'à sa mort, qu'elle soit proche ou lointaine.
"Oh ça oui, Messire Marcus, j'ai appris des tas de choses ! J'avoue que je me sens bien bête par rapport à vous, et même à ces trois hommes. On voit que vous avez l'habitude de parlementer."

Son oncle... Ah, il avait réussi à l'oublier finalement. Mais la mention de son parent lui fit l'effet d'un coup de point, et il sentit une boule se former dans sa gorge. Que pouvait-il répondre? Il faudrait qu'il aille lui parler et il n'était pas certain qu'il serait aussi convainquant et exalté que Marcus pour le persuader de rallier ses troupes. Et devoir se battre contre la seule personne de sa famille qui lui avait tendu la main pour le secourir... Non, c'était tout bonnement impensable. Comme faire alors? Que faire pour que ce dilemme n'en soit plus un?
*Chaque chose en son temps... Tu t'en occuperas demain, aujourd'hui, profite de cette victoire !*
Mais le coeur n'y était vraiment plus : la simple perspective de devoir brandir une arme sous le nez de son oncle... Non, il ne pouvait imaginer une telle chose.

"Je n'y manquerais pas, Messire Marcus. A dans deux jours alors, au plus tard !"
Bien que son enthousiasme avait décrut, il fit un effort pour mettre un peu d'entrain dans sa voix : après tout, c'était grâce à Marcus qu'il avait un travail honnête et bien plus valorisant que celui qu'il occupait ce matin encore, et ce n'était vraiment pas le moment de tirer une tête d'enterrement.

Perdu dans ses pensées, Neel regarda Marcus quitter la taverne. Ces deux jours allaient être les plus longs de sa vie... et les plus chargés !